En 2023, la Banque de France a signalé une hausse des créances douteuses parmi les principaux établissements bancaires du pays. Plusieurs institutions ont été soumises à des tests de résistance renforcés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Malgré des bilans généralement solides, certains acteurs affichent des ratios de fonds propres fragilisés et une exposition accrue aux secteurs en difficulté, notamment l’immobilier commercial et certaines PME. Les récentes révisions réglementaires européennes accentuent la pression sur les établissements les plus vulnérables, révélant des disparités persistantes dans la gestion des risques.
Panorama des fragilités actuelles du secteur bancaire français
Le système bancaire français traverse actuellement une zone de turbulences rarement observée depuis la crise de 2008. La remontée des taux d’intérêt enclenchée en 2022 pour freiner l’inflation a bouleversé les repères des établissements bancaires. Le contexte a eu un effet immédiat : les marges sur crédits, jusqu’alors confortables, se sont effritées. Simultanément, le coût du risque s’est accru, particulièrement pour ceux exposés au marché immobilier commercial. Concrètement, la qualité des portefeuilles d’actifs s’est détériorée : la progression des défauts de paiement chez les ménages surendettés et les PME fragilisées s’est directement répercutée sur les comptes.
Dans ce climat tendu, certaines institutions financières montrent des signes d’essoufflement. Les autorités européennes, via l’Union bancaire et ses règles strictes, surveillent de près les ratios de solvabilité. Pour plusieurs établissements, ces ratios flirtent avec la ligne rouge. S’ajoute à cela une pression croissante sur les liquidités, alimentée par des retraits accrus et une compétition féroce autour de la collecte de dépôts. Si les grandes banques systémiques disposent encore de solides réserves, les acteurs de taille intermédiaire souffrent plus franchement des nouvelles contraintes réglementaires et de marché.
L’environnement ne se limite pas aux seuls enjeux économiques : le secteur doit aussi composer avec des risques géopolitiques et une conjoncture mondiale instable. L’incertitude sur la croissance, la volatilité des marchés et l’exposition à la dette souveraine de certains États européens pèsent lourdement sur la stabilité financière du secteur. Résultat, les superviseurs français et européens n’ont jamais été aussi vigilants, imposant une adaptation accélérée au nouveau paysage financier qui se dessine.
Quels critères permettent d’identifier une banque en difficulté ?
Pour détecter une banque en difficulté, il ne suffit pas de s’arrêter à un indicateur isolé. Plusieurs signaux, scrutés par les superviseurs et la banque centrale européenne, dressent le portrait d’une institution fragilisée. En premier lieu, le ratio de solvabilité : il indique dans quelle mesure la banque peut encaisser les pertes sans recourir à des soutiens extérieurs. Si ce ratio passe sous le seuil réglementaire fixé par Bâle III, la menace d’une faillite se rapproche en cas de choc.
Autre point de vigilance, le ratio de liquidité. Il mesure la capacité à faire face à des retraits massifs ou à des tensions sur le marché interbancaire. Une chute rapide de cet indicateur, typique lors de mouvements de panique, révèle la vulnérabilité de l’établissement. S’ajoute le risque de crédit, qui se manifeste par l’augmentation des créances douteuses, notamment dans les secteurs les plus exposés comme le marché immobilier commercial.
Les établissements doivent aussi surveiller de près le risque de taux d’intérêt et le risque de marché. Avec la remontée des taux, la valeur des actifs obligataires s’érode, ce qui pèse sur la rentabilité globale. Pour obtenir une vision complète de la solidité d’un acteur bancaire, il faut enfin considérer le ratio de levier, soit le rapport entre fonds propres et exposition totale. L’analyse croisée de tous ces paramètres donne la mesure de la résistance de la banque face aux risques systémiques qui traversent le secteur.
Classement des institutions financières françaises les plus exposées
La hausse rapide des taux et la contraction du marché immobilier commercial mettent en lumière des fragilités insoupçonnées dans le paysage bancaire français. Les grands groupes bancaires, comme BNP Paribas, Société Générale ou Crédit Agricole, concentrent à eux seuls la majorité des risques systémiques. Leur poids, leur présence à l’international et la diversité de leurs activités (de la banque de détail à la gestion d’actifs) les placent en première ligne du mécanisme de supervision unique assuré par la banque centrale européenne.
Mais la réalité ne s’arrête pas à ces géants. Les banques coopératives, telles que le groupe BPCE, doivent composer avec un portefeuille de crédits immobiliers de plus en plus fragilisé, conséquence directe de la montée des défauts de paiement. Du côté des banques d’investissement françaises, la volatilité des marchés et la pression sur les marges font peser de nouveaux risques.
Voici comment se répartissent les vulnérabilités selon les grandes familles bancaires :
- banques universelles : elles cumulent plusieurs types de risques, et leur capacité à encaisser les chocs dépend largement de la solidité de leurs fonds propres ;
- banques commerciales : très sensibles à la santé du crédit immobilier, elles risquent de devoir vendre des actifs en urgence si la situation se détériore ;
- banques coopératives : l’impact de la hausse des défauts de paiement se fait sentir plus lentement, mais la tendance s’aggrave.
Les tests de résistance publiés par l’autorité bancaire européenne viennent appuyer ce constat : les établissements les plus exposés cumulent un effet de levier élevé, un portefeuille de prêts fragilisé et une dépendance notable aux marchés de refinancement. La prudence reste de rigueur, car un choc mal anticipé peut provoquer une contagion rapide sur l’ensemble du système financier français.
Résultats des tests de résistance : enseignements pour la stabilité du système
Les derniers tests de résistance menés par la banque centrale européenne dressent un tableau contrasté de la stabilité financière des banques françaises. En cas de choc de taux marqué ou de détérioration soudaine des marchés, certains établissements montrent des marges de sécurité perfectibles. Les ratios de solvabilité restent globalement au-dessus des exigences de Bâle III, mais la dispersion entre les banques s’accroît.
Les scénarios élaborés par l’Union bancaire européenne font ressortir trois grandes tendances :
- L’impact de la hausse des coûts de financement pèse davantage sur les banques les moins diversifiées ;
- Les portefeuilles de prêts, notamment dans le marché immobilier commercial, deviennent plus vulnérables, avec une montée du risque de crédit et une tension accrue sur le ratio de liquidité ;
- La dépendance à la politique monétaire et au soutien du prêteur en dernier ressort s’intensifie.
La publication de ces résultats agit comme un signal pour les établissements : il s’agit d’ajuster sans tarder leur gestion des risques. Le cadre réglementaire, avec ses exigences sur le ratio de levier et le renforcement du fonds de garantie des dépôts, offre un filet protecteur. Mais la véritable robustesse du secteur se joue dans la capacité à anticiper les cycles de marché et à respecter une discipline de gestion rigoureuse, surtout dans un climat mondial où les tensions géopolitiques ne faiblissent pas.
Le secteur bancaire français avance sur une ligne de crête : la solidité collective dépendra de la rapidité d’adaptation de chaque acteur, mais aussi de la capacité du système tout entier à encaisser l’imprévu. Face à la prochaine secousse, la résilience n’aura rien d’un simple concept théorique.


